Les Ancêtres et nous
Individuellement, chacun, chacune d'entre nous est une somme : la somme de tous ceux et celles qui nous ont précédés, les ancêtres, les aïeux. Nous sommes donc le résultat d'une continuité qui se déploie dans l'espace et dans le temps. Nous représentons une sorte de branche particulière sur une sorte d'arbre qui est notre généalogie, disons notre arbre généalogique. Les ancêtres sont alors les composants qui constituent cette somme dont nous en tant qu'individus ne sommes que l'aboutissement le plus proche. Les ancêtres sont donc une partie de nous-mêmes comme nous sommes une partie d'eux. Ils représentent cette part de nous qui se tient en amont de la personne que nous sommes aujourd'hui.
Génétiquement nous portons en nous cette somme, tout cet ensemble qui est un patrimoine, un héritage. Partant de là, les ancêtres ne peuvent qu'être vivants et dans un espace qui n'est autre que nous-mêmes. Cette somme, ce patrimoine présents en nous peuvent et doivent aussi être agissants. Concrètement que représente cette somme en question ? Ce grand ensemble en nous représente une masse d'informations presque infinie encodée dans une mémoire ancestrale qui comprend entre autres des grands bâtisseurs d'empires, des guerriers héroïques, des stratèges militaires, des résistants à l'esclavage, des sages détenteurs de secrets de la nature, des grands thérapeutes, des thaumaturges, des architectes émérites, des savants, des bâtisseurs de cités, des artisans, des métallurgistes, des griots, des leaders de peuples, ce qui se traduit quand même par une somme de savoir et de pouvoir énormes !
Mon avis est que tout ce potentiel doit pouvoir servir pour la reconstruction de l'entité africaine de notre temps. Il s'agirait dans cette optique de nous reconnecter à lui ou alors de le réactiver puisqu'il est présent en nous. Des conditions favorables à la réactivation de ce potentiel que nous portons en nous peuvent tout à fait je pense être créées : le souvenir de ceux et celles qui nous ont précédés, nos ancêtres, leurs noms, la connaissance des généalogies, la connaissance de l'histoire africaine peuvent favoriser cette re-connexion. D'autres moyens cependant doivent sans doute exister aussi…
Je pense donc, ce n'est qu'un avis mais c'est le mien et je l'exprime, que le « canal » ancestral peut s'avérer porteur de solutions et d'avenir pour le peuple des enfants de l'Afrique. Je pense aussi qu'il est bon qu'individuellement nous nous exercions à nous percevoir non plus uniquement comme un fruit mais comme l'arbre tout entier. Commençons déjà pourquoi pas à intégrer le fait que nous sommes une totalité afin de pouvoir agir en tant que totalité. Ne nous limitons pas à l'apparence des choses. Nous ne sommes donc pas des réalités closes, fermées, isolées. Nous sommes le produit d'un ensemble illimité d'opérations qui se sont effectuées avant nous. Nous n'en sommes que le résultat. Ces opérations qui produisent le résultat que nous sommes aujourd'hui, appelons-les « les ancêtres ». Le résultat étant organiquement lié à l'opération ou aux opérations qui l'ont produit, nous et les ancêtres sommes organiquement liés. Nous sommes un tout.
Les ancêtres et nous ; nous et les ancêtres ; les ancêtres avec nous ; les ancêtres en nous.
sculpture Makonde (Tanzanie) : "l'arbre de vie"