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Afro-connexion

   Le peuple africain a été frappé dans sa chair et dans son âme. Cette âme mutilée porte encore les marques des chaînes, des coups de fouets, des coups de fusil, des morsures de chiens, des lynchages, des mutilations, des fers rouges sur la peau. La première « porte du retour », la connexion définitive qui établira de façon permanente « le pont du retour » se trouve aussi dans cette âme, dans les cœurs. Je voudrais ainsi dire que la connexion définitive se fera par des actes fortement symboliques de part et d'autre qui s'imprimeront dans les cœurs et les âmes et scelleront pour de bon la grande famille africaine retrouvée. Des occasions doivent être provoquées. Sur le modèle des African-African American Summits qui sur le continent ont pu réunir Africains du continent et de la diaspora des Etats-Unis, des rencontres doivent être organisées en terre africaine et dans toutes les terres de la dispersion.

 

En terre africaine, les Africains qui dans le cadre de ces rencontres afrolatérales reviendront sur la terre de leurs ancêtres devront revenir avec la souffrance de l'âme africaine martyrisée. En clair, ils devront revenir chanter devant leurs familles du continent les chants de l'esclavage. Leurs frères et sœurs devront être témoins de ces choses, les entendre, les voir, les vivre. Ils devront chanter les chants du travail forcé. Leurs frères et sœurs devront être témoins de ces choses, les entendre, les voir, les vivre. Ils devront chanter les chants de résistance et de révolte que nos ancêtres déguisaient en chants religieux pour tromper les ennemis de l'Afrique qui les maintenaient captifs. Leurs frères et sœurs devront être témoins de ces choses, les vivre, les voir, les entendre. Ils devront chanter et expliquer pour que leurs frères comprennent et revivent cela. Ils devront revenir avec le gwo ka, le bélè, le reco reco, le l'agogo, le berimbau, le pandeiro, l'atabaque, le yuka, le batà, les claves, les congas, et les tous les instruments de musique qu'ils ont conservées, et en jouer devant leurs familles du continent. Leurs frères et sœurs doivent être témoins de ces choses, les voir, les entendre, les vivre. Leurs frères et sœurs devront réaliser qu'ils continuent de pleurer le « Sénégal » ou le « joli Congo » dans leurs chants. Des scènes de l'esclavage pourront si possible être mimées également. Afin de recréer l'atmosphère de la veillée africaine ; afin de recréer l'atmosphère de recueillement, de silence qui sied à cette circonstance particulière ; afin de marquer le caractère hautement solennel de la circonstance, la nuit me semble plus appropriée que le jour. La nuit est le moment où l'activité physique nécessaire à la marche de la communauté est arrêtée. De plus la nuit ayant la faculté de féconder les intelligences et les consciences, je pense qu'elle convient parfaitement pour la réalisation d'une telle connexion. Je pense également que pour ne pas tuer cette espèce de mystère naturel que la nuit porte en elle, l'éclairage des torches ou des bougies serait davantage recommandé que la lumière électrique qui n'est pas un élément de la nature. Idéalement je verrais plutôt les choses comme cela.

 

Ceux du continent qui iraient célébrer leurs familles de la diaspora viendraient à leurs frères et sœurs avec les musiques du continent, avec des présents symboliques (nourriture, pagnes, objets d'artisanat, bijoux). Des scènes de l'esclavage pourront également être mimées, je pense à des rangées d'hommes, de femmes et d'enfants noirs qui marcheraient lentement avec des chaînes aux pieds pour rappeler à leur frères déportés qu'ils sont un même peuple, le peuple qui a subi l'esclavage.

 

La connexion par le biais de la fusion des âmes me paraît le moyen sûr grâce auquel les deux parties séparées par la barbarie raciste des ennemis de l'Afrique pourront parfaitement s'emboîter. C'est à mon avis cette rencontre des âmes qui sera la mère de toute véritable coopération culturelle, économique, politique, militaire, scientifique et technologique ultérieure, parce qu'une telle coopération doit absolument être établie avec les Africains de l'Amérique du Sud, de l'Amérique du Nord, de l'Amérique centrale, des Caraïbes, de l'Europe. Du fait qu'une grande partie de cette diaspora se trouve être lusophone voire hispanophone, l'obstacle de la langue -à l'exception de l'Angola, du Mozambique, de la Guinée équatoriale, de Sao Tome et Principe qui sont des pays lusophones ou hispanophones- pourrait être contourné par un système de traduction anglaise unique pour ce qui est de la documentation, des programmes radio ou télé ; bref de la diffusion de l'information destinée au continent des ancêtres. Cette traduction anglaise, la diaspora africaine des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne pourrait la fournir si demande lui en était formulée. Les frères et les sœurs arrachés à l'Afrique ne demandent qu'à être impliqués dans des projets les associant à leurs frères et sœurs du continent. Ils nous regardent, ils espèrent, ils attendent, ils observent, ils voudraient que quelque chose se passe… enfin.

 

Que désormais donc, lorsque la question africaine est évoquée sur le continent, l'on intègre cette partie arrachée à l'Afrique. Que désormais aussi, la partie arrachée à l'Afrique fasse sienne la question africaine. Pour ce faire, il faudrait que chaque partie redevienne vraiment vivante dans le quotidien de l'autre. Il faudrait que chaque partie cesse d'être théorique pour l'autre. Il faudrait que le souvenir et surtout la réalité de l'autre partie remontent à la surface ; souvenir et réalité de l'autre dont les rencontres « afrolatérales » qui scelleront la connexion des cœurs devront être le prélude. Les gouvernements africains devraient accorder des nationalités africaines à tous les enfants de l'Afrique arrachés au continent.




                               

                                                        Malcolm X



16/10/2007
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