Quel Cameroun ?
Au préalable il sera fondamental me semble-t-il de bien définir pour le Cameroun un idéal fort, des symboles parlants, enracinés dans notre culture et véritablement fédérateurs auxquels tous et toutes pourront s'identifier. La forme géographique de la chère patrie, la terre chérie renvoie-t-elle à une femme ? Une femme avec un foulard ? Une mère attentionnée ? Une belle femme ? Quel nom symbolique lui donner dans ce cas : Aïssatou ? Nyango ? Ngo ? Sita ? Ma'ala… ?
Quelle ou quelles images employer pour nommer affectueusement notre pays : « Le Berceau de nos Ancêtres », « La Terre Chérie », « Le Triangle », « Le Triangle National », « La Pyramide Nationale », « la terre aux trois angles » ? Le « Mboa » ? Le « Binam » ? Le « Nnam » ? Le « Ko » ? Le « Mbaï »… ?
A bien des égards le Cameroun est un miroir de l'Afrique. La diversité de son climat déjà, équatorial, sahélien ; la diversité de son paysage sculpté de majestueuses montagnes, l'exubérance de sa forêt dense, l'or de sa savane et la sereine tranquillité de son désert ; sa diversité humaine née d'un peuplement venu de toutes les parties du continent dans le passé au point ou nous pouvons dire que le Cameroun est littéralement « la terre où dans le passé les enfants de l'Afrique se sont rassemblés ».
Sur le plan diplomatique, ce fait est lourd d'implications pour les relations que le Cameroun doit entretenir avec les autres états africains frères. Des peuples dans Le Triangle relient notre pays à d'autres parties de l'Afrique, notamment au Liberia, au Sénégal, à l'Ethiopie, au Bénin, au Ghana, au Togo, au Mali, au Kenya, à la Zambie, au Congo, au Gabon, à la R.C.A, à la Guinée équatoriale, au Nigeria, au Niger, à la Mauritanie. Nous retrouvons au Cameroun à peu près tous les groupes humains et tous les types physiques qui existent en Afrique.
Ainsi, l'enseignement de l'histoire et de la culture devraient être un des axes prioritaires à mettre en chantier dans l'avenir avec pour horizon la cohésion nationale et l'unité africaine. Solidaires et non solitaires. Comprenons-nous bien, l'Afrique ne doit être ni une fantaisie ni une option facultative dans l'échelle de nos priorités : l'Afrique doit être prioritaire avec « p » majuscule et marquée à l'encre rouge ! Les peuples d'Afrique avec leurs Etats constituent des organes d'un corps global. Nous sommes des éléments d'un même ensemble, des membres d'une même grande famille et nous partageons une communauté d'ancêtres, d'histoire, de destin. Solidaires et non solitaires. Le sort des uns est étroitement lié au sort des autres. L'Afrique unie est la condition absolue de notre bien-être, de notre survie également. Encore une fois, solidaires et non solitaires. L'Afrique, cet espace à la fois matériel et spirituel constitue le véritable berceau de nos ancêtres, la véritable terre chérie, notre matrice nourricière. Les Etats africains réitèrent leur désir de se retrouver dans un authentique projet africain. Nous sommes un sous le soleil.
Cependant, avant d'être une affaire de chefs d'Etats, l'Afrique reste d'abord l'affaire des Africains eux-mêmes. Les Africains doivent s'impliquer dans notre avenir commun. Ils doivent désirer se réunir afin de vivre de nouveau ensemble. Nous sommes un sous le soleil. Ce désir doit être présent dans les conversations de tous les jours au même titre que n'importe quelle discussion touchant à la politique, à l'économie ou à une coupe d'Afrique des nations. La nouvelle entité africaine de notre temps commencera dans les cœurs et non à un quelconque grand sommet. Il s'agit pour les Africains de vouloir s'unir. Nous sommes un sous le soleil.
A l'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) a brièvement succédé le projet « African Renaissance » qui au final a débouché sur l'Union Africaine (UA). L'heure est à l'histoire et nous devons être à l'heure pour l'histoire. Plus que jamais nous devons écrire l'histoire. Si la taille et la complexité que représentent des structures comme les Etats peuvent rendre des actions d'ensemble moins aisées à mobiliser avec pour conséquence des résultats moins probants que ceux auxquels les Africains sont légitimement en droit d'attendre, à l'intérieur de chaque Etat cependant, rien n'empêche de matérialiser déjà au moyen d'une série d'actions symboliques mais fortes la réalité d'une grande famille africaine souhaitée par tous.
Pour ce qui est du Cameroun, ne pourrions-nous pas créer dans la capitale une imposante place de l'Afrique sur laquelle serait érigé un grand monument qu'entoureraient les drapeaux des pays africains ? Ne pourrions-nous pas désormais annoncer sur la totalité des medias nationaux, officiels comme privés les fêtes nationales des autres Etats africains, annonces suivies pourquoi pas d'un message personnel radiodiffusé et télévisé du chef de l'état camerounais à l'endroit de ses homologues et des frères africains concernés ? Ces mesures auraient le double avantage d' être économiquement peu coûteuses et surtout de s'avérer efficaces dans l'optique d'un rapprochement toujours plus étroit entre le Cameroun et les Etats africains frères. En plus de démontrer une réelle implication du Cameroun dans la vie politique, économique et culturelle du continent, elles pourraient favoriser une coopération et des échanges plus intenses avec nos frères africains. Après tout, que signifie une union africaine si ce n'est au préalable l'union des cœurs, la reconnaissance d'un lien ancestral et une place que nous accordons à nos frères, à nos sœurs dans nos vies ?
Des conditions pour cette union des cœurs doivent être créées à l'intérieur de chaque Etat africain déjà à travers des programmes éducatifs qui seraient enseignés dans les écoles, présentés sur les chaînes de télévision et qui mettraient l'accent sur nos liens culturels qui font de nous une grande famille. Des actes symboliques peuvent commencer à consolider notre volonté d'unité.
La diversité africaine que l'on retrouve au sein des populations du Cameroun à mon avis pourrait faire de notre pays un artisan privilégié des grandes retrouvailles africaines. Le Cameroun doit jouer son rôle historique de pont entre les différents peuples d'Afrique. Ne pas le faire serait un échec. Nous aurions alors failli à la mission que l'histoire et les ancêtres nous ont confiée. Nous ne pouvons pas nous permettre d'échouer. L'histoire frappe à notre porte. Il nous revient de répondre à cet appel.